Auteur

Bruno Marée

Enseignant, apiculteur, marcheur en forêt, conteur et parolier, défenseur du patrimoine naturel et culturel, auteur de documents pédagogiques, d’essais historiques et scientifiques, de quelques romans et de plusieurs recueils de… En savoir plus

Extrait

La salle d’attente

 

En poussant la porte de la salle d’attente, j’ai tout de suite compris que j’en aurais pour un bon bout de temps. Misère ! Une douzaine de paires d’yeux, au moins, se sont tournés vers moi. Des regards distraits, apparemment indifférents, un peu accablés par la chaleur, un tantinet maladifs peut-être. L’espace d’un instant, j’ai cru percevoir une teinte d’ironie ou un vague soupçon de pitié. Mon imagination me joue des tours. Sans broncher, j’ai endossé l’uniforme du péquenot, du pauvre type qui aurait mieux fait d’arriver plus tôt. Il passera le dernier, à son tour, derrière tous les autres. Tant pis pour lui !
Pour faire bonne figure, histoire de conjurer mon infortune, mais sans trop y croire, j’ai lancé un « bonjour » guilleret à l’assemblée des gens qui passeraient avant moi. Une rumeur confuse et quelques grognements ont fait office de réponse. Je n’ai plus qu’à me trouver une place et à m’asseoir pour entamer ma période de pénitence. La peine est incompressible, je l’accomplirai jusqu’au bout.
La salle d’attente est un vaste local récemment rénové, avec de hauts murs clairs et un plafond lumineux équipé d’un éclairage moderne. La maison médicale n’a pas lésiné sur les moyens. D’un côté, deux larges baies aux vitrages opaques diffusent généreusement la lumière du jour. À cette heure, celle-ci supplante très nettement l’éclairage artificiel. Il fonctionne en permanence. Dehors, l’été s’impose. L’air est chaud, très chaud. Trop chaud !
Sur la paroi opposée, en face des fenêtres, le décorateur a cru bon d’afficher une photographie gigantesque. Elle est censée inviter le patient en attente au rêve, au voyage et à l’aventure vers des contrées lointaines. L’attrait irrésistible de la nature sauvage. On y voit un enchevêtrement luxuriant de plantes tropicales. Des fougères hautes comme des arbres, des feuillages luisant d’humidité, des mousses épaisses comme des éponges et des lianes qui n’attendent que le bon vouloir d’un Tarzan de passage. C’est grandiose et oppressant à la fois. Le décor s’agite dans une débauche de verdure perforée ici et là par les rayons d’un soleil qu’on devine, tout là-haut, par-dessus la canopée. L’effet est saisissant.