Auteur

Patrick Delperdange

Patrick Delperdange est écrivain. En 2005, son roman Chants des gorges a reçu le prix Rossel En savoir plus

a publié
chez Quadrature

Extrait

Les pas perdus de la cigogne

La paroi coulissante s’écarte devant Céleste et elle peut voir le hall de l’aéroport, avec les échoppes de sandwiches et les magasins de souvenirs, éclairés par des néons. Il n’est que sept heures et demie du matin, mais il y règne déjà une agitation étonnante. Derrière une barrière de métal, quelques personnes attendent les voyageurs qui viennent de débarquer. Au milieu d’eux, Céleste aperçoit un jeune homme d’une trentaine d’années qui brandit une pancarte sur laquelle est écrit « Pr Adomba ». Elle s’avance vers lui en resserrant sa prise sur la poignée de sa valise qui chuinte en roulant sur le sol d’époxy très lisse.
Le jeune homme baisse les yeux vers Céleste qui attend calmement, un sourire aux lèvres.
« Vous n’êtes pas monsieur Adomba, dit-il.
– Non, en effet », dit Céleste.
Elle le voit froncer les sourcils et se remettre à observer la porte d’arrivée.
« Je suis Céleste Adombo, dit-elle en insistant sur la dernière lettre.
– J’attends un professeur, dit le jeune homme.
– Je suis professeur. »
Cette fois, il a une grimace.
« Oh. Cela veut dire que… Vous êtes… »
Il s’interrompt. Peut-être même se met-il à rougir, mais cette impression est sans doute due à l’éclairage trop cru qui tombe du plafond bas du hall d’accueil.
« Je suis désolé, reprend le jeune homme.

– Il n’y a pas de quoi, dit Céleste. Ce sont des choses qui arrivent.
– Mais non, dit-il. Il ne faut pas que ça arrive. » Et il ajoute, très distinctement : « Veuillez m’excuser, Professeur Adombo. »
Après quoi, en secouant la tête, ne parvenant pas encore à accepter cette méprise, il tend la main pour saisir la valise de Céleste.
« Ce n’est pas la peine, dit-elle. Elle n’est pas très lourde. »
Mais le jeune homme a décidé de se racheter coute que coute, et réussit à s’emparer du bagage.
« Je suis garé au parking 5, dit-il en montrant une vague direction. Voulez-vous que je vous dépose à votre hôtel, Professeur ? Ou bien vous préférez qu’on aille directement au musée ? Mais je dois vous dire qu’à cette heure-ci, il n’y aura personne. »
Pendant un bref instant, Céleste a l’impression que les lumières se mettent à clignoter autour d’elle, comme des guirlandes de Noël. Elle ferme les paupières sans parvenir à se débarrasser du léger vertige qu’elle éprouve. Elle n’a rien mangé depuis hier soir. Elle n’a réussi à avaler qu’une tasse de café, qui lui est restée sur l’estomac pendant tout le vol depuis Kinshasa.
Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle constate que le jeune homme est tourné vers elle et qu’il la regarde avec gravité.