Des lèvres qui embrassent aux crocs qui déchirent, il n’y a souvent qu’un faux-pas, inattendu comme la force d’un réflexe ou d’un besoin irrépressible. Ainsi sont nées une vingtaine de nouvelles aux chutes soumises à la gravité et, parfois, à l’écrabouillement. D’angle vicié en recoin obscur, la réalité est toujours malmenée. La narration bascule. Son héraut trébuche, rattrapé par un bras, poignardé par l’autre. Le destin ne serait-il qu’un Petit Poucet ricanant, rongé par ses névroses ? Pourtant, à l’occasion, l’amour s’invite, cheminant et badin…
- ISBN 9782930538136 (format broché)
- ISBN 9782930538167 (format ePUB)
- 134 pages
- Livre broché - 16€
- ebook - 9.99€
Extrait
Cliché X :
retour au port
Assis sur le bord du lit, je reste comme un con à te regarder dormir. Il n’y a pas trace de larmes sur tes joues. Ça me fait mal. Je me sens abandonné, trahi, alors que c’est moi qui m’en vais, un comble. Je voudrais t’embouteiller, comme ces voiliers-souvenirs dans les litrons, comme ce génie dans sa lampe. Je t’emmènerais avec moi.
J’ai envie de t’embrasser une dernière fois avant de partir mais je ne veux pas te réveiller. Classique. Cliché numéro 274 du marin quittant sa belle.
J’attrape mon sac, j’accorde une caresse distraite aux chiens, je sors. J’inspire un grand coup, pour garder une image olfactive de ce bout de terre que j’aime. Je ne sens pas encore l’océan mais je l’imagine. Lorient n’est pas loin, ses mouettes, ses embruns, son parfum d’algues. Cliché numéro 93.
Trêve de poésie, ça pue le lisier, le cochon crevé. Le voisin a épandu les vingt mètres cubes de sa fosse dans le champ face à la maison, hier soir. La fenêtre de la chambre est ouverte, je te vois d’ici froncer le nez au réveil et plonger la tête dans les draps pour goûter mon odeur, radieuse.
Je me fais des films, probablement…
Quatre heures du matin, la bonne heure, il n’y a pas un chat qui traîne, la campagne est silencieuse. Je roule trop vite. Je regagne la caserne et c’est comme si tu n’avais jamais existé. Les potes, les ordres, l’excitation du départ. Pendant des semaines, l’adrénaline va me soutenir. Puis viendront la fatigue, la lassitude, le manque de toi. Cyclothymie familière.