Les nouvelles de ce recueil racontent la confrontation entre des personnages qui se ressemblent ou pas, qui s’aiment ou pas. Chaque histoire est un spectacle qui met en scène des êtres pour qui l’heure de la vérité a sonné. Peut-être… Pas sûr. C’est si difficile. Parfois ils se taisent, parfois ils parlent trop, parfois ils rient pour une bêtise, parfois ils mentent, il leur arrive même de toucher la cible en plein cœur. Croient-ils. Quelle importance après tout, pourvu que le ciel qu’ils contemplent si souvent ne leur fasse pas faux bond.
- ISBN 9782931080481 (format broché)
- ISBN 9782931080498 (format ePUB)
- 128 pages
- Livre broché - 18€
- ebook - 9.99€
Extrait
Une promenade parfaite
Cette nouvelle s’inspire d’une lithographie de David Lynch, Sputnik, et d’une huile sur toile d’Edward Hopper, Gas.
Nous dépassâmes une série de pylônes puis un building isolé qui ressemblait curieusement à un téléphone portable d’autrefois, avec ses cheminées minces comme des antennes et ses fenêtres pareilles à des touches – mais déjà Alice s’était endormie. Elle s’endormait souvent, ces derniers temps, si bien que je me retrouvais seul, sans interlocuteur, sans regard posé sur moi. Alors commençait l’ennui, le ressassement. Pour m’occuper, il ne me restait qu’à compter les voitures, des heures durant. Comme le soir tombait, elles se faisaient de plus en plus rares sur la route bordée de part et d’autre par une plaine qui s’éloignait à perte de vue.
Lorsque nous arrivâmes à la station-service la plus proche, j’adressai un signe au pompiste qui, adossé à une borne, semblait contempler l’horizon barré de grandes stries roses et grises. Il arriva en claudiquant légèrement. Je lui demandai de vérifier la pression des pneus, tandis que je ferais le plein. Un grand type dégingandé, à la chevelure hirsute, la quarantaine fatiguée dans son bleu de travail. Il n’avait rien d’exceptionnel en somme. Me frappèrent cependant sa difficulté à s’accroupir et cette sorte de souffrance inscrite sur son visage durant toute l’opération. Puis, à la façon dont il se releva, je devinai qu’il avait une jambe artificielle.
Après que je lui eus glissé un billet pour sa peine, il alluma une cigarette, en tira plusieurs bouffées face à l’horizon qui semblait le fasciner, puis il me tourna le dos et se dirigea vers le bâtiment sans attrait qui prétendait au label de Restoroute. Je le rattrapai. Au-dessus de nous un biplan volait très bas, on pouvait même distinguer le pilote avec son casque de cuir brun, et on entendait le vrombissement du moteur à la tâche.
– C’est un ancêtre, cet avion-là, fis-je remarquer.
– Oui, il y a un aéroport privé pas loin d’ici. Des fous de vieilles machines.