Auteur

Pierre-Yves Bolus

Pierre-Yves Bolus a un faible pour Bruxelles mais s’en échappe volontiers. Il aime observer les oiseaux et les gens qui passent, écrire à l’aube et marcher en forêt. Le reste… En savoir plus

a publié
chez Quadrature

Extrait

Il suffit de regarder longtemps

 

Je fais mon travail comme on me dit de le faire et puis je rentre. Dans la pièce où je vis, il y a un canapé et une table avec une chaise. C’est là que je mange avec la casserole sur mes genoux, bien chaude. Après je m’allonge sur le canapé et je dors quelques heures, pas plus. Je me lève, je lave mon visage à l’évier dans la cuisine et après un café, je pars travailler. Je ne vois jamais personne. De toute façon, à l’heure à laquelle je vais travailler, il n’y a personne. Les premiers employés, ils apparaissent plus tard, après huit heures. Moi je dois arriver avant cinq heures. La cheffe du nettoyage commence par nous dire où aller, c’est souvent le même étage, un vaste plateau sur lequel il faut bosser, qu’elle dit. Moi j’ai le vingtième, ce sont des bureaux tous en ligne, rangés et cachés par des armoires. Lorsqu’on est debout, on voit au-dessus, mais pas ceux qui sont assis. De toute façon, eux, ils n’arrivent qu’à la fin du travail. C’est comme des blocs d’habitations, des rectangles gris, puis d’autres encore, parallèles aux premiers. Tout autour, il y a des vitres ou plutôt de grands murs de verre, et après s’étalent la ville et la nuit, comme un tapis déroulé de noir et de lumière. L’été, les reflets sont bleus. Chacun fait sa surface, les tables, les meubles, les locaux techniques, les poubelles et puis l’aspirateur sur la moquette, en lignes, c’est le protocole. Le service du matin se termine à huit heures, celui du soir commence à sept heures.