Dans la maison commune, il y a un grand-père dont le prénom échappe à ses petits-enfants, un père sans enfant, un chef d’entreprise au bout du rouleau, quelques amants par ci-par-là, une femme qui se libère de sa cuisine, un bucheron québécois, et même une physicienne. Dans la maison commune on découvre des secrets de famille, on se trahit, on se réconcilie, on se pique des habits, et surtout : on y grandit.
- ISBN 978-2-931080-36-8 (format broché)
- ISBN 9782931080375 (format ePUB)
- 96 pages
- Livre broché - 16€
- ebook - 9.99€
Extrait
La maison commune
Dans la maison commune nous vivions tous les trois, mon frère, ma sœur et moi. C’était une maison de ville coincée entre deux immeubles de cinq étages, une vieille baraque en mâchefer qui semblait s’excuser d’être encore là, qui se faisait toute petite pour prendre le moins de place possible et faire oublier qu’elle occupait un espace urbain dont le cours avait plus que décuplé en moins d’un quart de siècle. Sur sa parcelle de cent mètres carrés, où rien ne poussait faute de lumière et d’attention, la maison commune s’élevait sur trois petits étages. Au rez-de-chaussée, une pièce unique servait de cuisine, de salle à manger et de salon. Deux chambres occupaient le second étage, les deux garçons dans l’une, ma sœur dans la seconde. C’était un éternel sujet de chamailleries entre l’ainée qui ne doutait pas de sa légitimité, renforcée par son statut de seule fille de la fratrie, et les deux plus jeunes garçons, dont j’étais, revendiquant un partage plus équitable de l’espace.
Les combles aménagés, où les adultes ne pouvaient tenir debout que sur une bande étroite d’un mètre de largeur, avaient accueilli la chambre de nos parents. Ils avaient ensuite été reconvertis en salle de jeu idéale pour nos petites tailles, autorisant par son exiguïté toutes les constructions de briques en bois et autres assemblées de personnages en plastique qu’aucun de nous ne prenait plus la peine de démonter en prévision d’un agrandissement futur, de l’ajout d’un zoo, de l’élévation d’un étage du château médiéval ou de la réalisation d’une route sur laquelle des chevaux montés de chevaliers en armure et des petites voitures cohabiteraient sans souci d’anachronisme. À peine se souvenait-on de l’ancienne fonction de cette pièce, de ce temps révolu où je venais me blottir entre mon père et ma mère dans leur lit qui me semblait gigantesque et finir ma nuit peuplée de monstres intangibles entre leurs corps chauds et rassurants. Le grand lit était toujours là, mais nos parents y dormaient désormais seuls et à tour de rôle.