Une nouvelle, c’est parfois un homme et une femme qui se regardent et se taisent pendant que s’échafaude l’histoire qui les lie. C’est parfois le frôlement d’un autre, le désir qu’on croit fugace et qui s’installe pourtant. C’est une erreur d’aiguillage qui vous conduit au tourisme forcé. C’est poser des mots délicats sur des désirs sourds et des souffrances muettes. C’est un mouchoir de soie noué au bon endroit. Ce sont des êtres vacillants entre reconnaissance et perdition. C’est l’érotisme infini d’un drap fin… Les nouvelles de Pascale Pujol sont ainsi. Elles se posent, discrètes, vous chuchotent à l’oreille ce qu’elles pourraient crier. Elles n’en ont que plus de force.
- ISBN 978-293053845-7 (format broché)
- ISBN 978-2-930538-46-4 (format ePUB)
- 114 pages
- Livre broché - 15€
- ebook - 9.99€
Extrait
La dédicace
Je ne l’avais jamais vue, juste une fois en photo, mais quand elle a poussé la porte vitrée puis s’est avancée, je l’ai reconnue tout de suite. Elle a d’abord jeté un coup d’oeil circulaire, dégageant ses longs cheveux du col de son manteau, puis resserrant machinalement contre elle la lanière de son sac. Il n’y a que deux sortes de clients ici, et je vous assure que chaque personne qui passe la porte peut être immanquablement classée dans l’une ou l’autre de ces catégories : ceux qui longent les murs, n’osent toucher à rien et évitent de vous regarder dans les yeux si d’aventure ils vous posent une question, et ceux qui sont définitivement chez eux, tutoient Isabelle et n’hésitent pas à renseigner un client perdu. Mais elle, j’ai bien vu que c’était encore autre chose. Elle posait le même regard que si elle était entrée dans une boutique de créateurs ou une galerie d’art dont elle aurait été propriétaire, à la fois intéressé et détaché, vigilant et bienveillant. Je pensais qu’elle choisirait l’un des derniers prix littéraires qui venaient de sortir – on était en plein automne, et elle se trouvait tout près de la table centrale qui leur était consacrée – mais elle s’est avancée directement vers moi. Je venais juste d’enlever mon manteau et de le poser sur une chaise ; j’étais en avance et il n’y avait pas encore grand-monde.
J’en ai eu le souffle coupé, elle était tellement belle que j’en aurais presque pleuré, ses cheveux captaient à merveille le pâle soleil d’automne et les fils argentés qui s’y mêlaient n’étaient qu’un autre métal rare, de l’or blanc ou du platine d’ailleurs, plutôt que de l’argent. Sous son manteau camel bien coupé, un pull beige à col roulé, surement du cachemire, un pantalon en cuir noir et des bottines à talons hauts.