Quadrature

On dirait le Sud

Les deux jeunes étudiants qui étaient assis en face de moi se sont mis à discuter entre eux en chinois. La jeune fille, qui maitrisait mieux l’américain, traduisait à son ami ce que je venais de leur expliquer. Finalement, ils se sont mis d’accord pour reprendre le texte du mémoire qu’ils devaient rédiger en équipe. Cependant, je me doutais bien que Li-Mei ferait à elle seule la plus grosse partie du travail… Ils se sont levés, ont pris congé poliment et ont quitté mon bureau. J’ai posé mon stylo et j’ai fait pivoter mon fauteuil pour me retrouver face à la grande baie vitrée. Je me suis demandé combien de fois j’avais contemplé ce paysage au cours de ces dix dernières années. La pluie continuait de tomber sur le campus. Quelques étudiantes s’abritaient sous le porche de la bibliothèque, tout en discutant. Un garçon les a rejointes et il a pris l’une des filles par la taille. Elle l’a laissé faire en riant.

La sonnerie du téléphone m’a fait sursauter. C’était Nancy, la secrétaire du doyen du département de littérature qui m’a annoncé d’une voix sèche que « Monsieur Cowley » souhaitait me voir, et tout de suite, si c’était possible…

En m’abritant sous ma veste, j’ai couru vers le bâtiment administratif. Dans les escaliers, j’ai croisé Peter Jackson, du département de littérature ancienne, et nous avons échangé quelques mots.

– Ben veut te voir à ce qu’il m’a dit. Je crois que c’est en rapport avec ta demande de report de cours.

Une fois de plus, je venais de vérifier à mes dépens à quel point le bouche à oreille fonctionnait sur notre campus… Tous mes collègues devaient déjà être au courant. Je me suis arrêté un instant sur le palier du premier étage, en m’efforçant de respirer calmement, puis j’ai frappé et je suis entré sans attendre la réponse. Le doyen Cowley était assis derrière son bureau et il n’a même pas levé la tête de ses papiers.