Emmanuelle Urien joue avec nos sens, avec la vie, la mort, la peur. Elle fond humour et cruauté en une seule lame qui, l’air de rien, décortique nos âmes. Personne ne peut lire ce recueil de nouvelles sans mourir – un peu.
Mourir avec Mélanie Bix, avec son infirmière ; avec cette autre infirmière, perdue dans les guerres rwandaises ; avec Tonio, ce chauffeur de taxi qui fait admirer le monde. Mourir avec cet homme qui ne rentrera jamais de la guerre. Mourir, encore, à regarder une boîte qui contient la promesse inutile d’un monde.
Personne ne peut lire Court, noir, sans sucre sans aimer – beaucoup.
- ISBN 978-2-930538-08-2 (format broché)
- 116 pages
- Livre broché - 15€
Extrait
Assistance technique
Le corps que l’on distingue, penché dans la pénombre au-dessus du lit, est celui d’une femme mince, de stature moyenne, et sans autre signe particulier que la légère voussure de ses épaules : Mélanie Bix fait ses bagages.
Les volets sont restés baissés, elle n’a pas besoin de lumière, aujourd’hui pas plus que les autres jours : voilà des années qu’elle s’en passe. À tel point que le mot – lumière – s’est effacé de son vocabulaire.
Mélanie Bix, cette femme mince et un peu voûtée, suspendue par un fil à je ne sais quel ciel, quitte ce matin la petite ville de Saône-et-Loire qu’elle habite depuis dix ans, et où elle ne reviendra plus. Son nom, après, figurera sans doute dans les journaux, Mélanie Bix, c’est un nom que l’on retient facilement, moi en tout cas je ne l’oublierai pas.
Mélanie Bix part ce matin pour Zurich. Elle n’emporte que ce sac de voyage de mauvaise qualité, on voit que les coutures sont lâches et que la grande fermeture du dessus est difficile à tirer. Elle y fourre deux robes roulées en boule et quelques sousvêtements pris au hasard dans un tiroir. Vous n’aurez pas besoin de l’observer longtemps pour remarquer l’effort dans le moindre de ses gestes, comme si elle devait, chaque fois, se rappeler comment l’on fait les choses.
Mélanie Bix ferme le sac et le soupèse. Il est tellement léger qu’elle se demande si c’est bien la peine de l’emporter. Mais les gens de Zurich lui ont conseillé de prévoir plusieurs tenues, il paraît qu’il y en a, comme ça, qui préfèrent avoir le choix.