Auteur

Magali Duru

Née à Antibes, toulousaine d’adoption, Magali Duru a passé bien des années à dévorer les mots des autres avant d’oser choisir les siens. Nouvelliste, poète, publiée à l’issue de concours… En savoir plus

a publié
chez Quadrature

Extrait

Le maître des kanji

Taneka posa son sac et son bâton de bambou. Il avait atteint le col, il n’irait pas plus loin. Il leva ses mains vers le ciel puis les ramena sur sa poitrine, et se plia en deux, touchant le sol de ses doigts pour commencer une série d’assouplissements. Le soleil d’onze heures qu’il saluait de son dos douloureux n’était pas encore arrivé à bout de la rosée d’automne. Un peu de brise agitait les buissons d’azalées sauvages.

Après ses étirements, il se releva, contemplant la montagne, l’à-pic sur la vallée, un îlot sur le lac, tout en bas. Un pin étendait au loin ses branches épurées. Elles se découpaient sur un ciel traversé de nuages transparents. Il resterait là un jour ou deux, décida-t-il. Les rochers qu’il venait de dépasser en montant se creusaient en anfractuosités où un homme pouvait se glisser pour dormir. C’était plus de confort qu’un moine errant n’osait généralement en souhaiter.

Le poète en lui devint sensible à la fraîcheur de l’air, à la rousseur des érables au creux du ravin. Un choucas grinça, puis se tut. Une matinée parfaite, toute la grâce d’un matin d’automne dans la montagne… Le silence était absolu, sans aucun souvenir du crissement estival des insectes. Il murmura :

Un matin d’automne…

Cinq syllabes toutes simples. Le premier vers d’un haïku, ou le dernier ?

Les autres vers lui montèrent aux lèvres, sans effort :

Le chant des cigales

S’est éteint dans la rosée


D’un matin d’automne

Le vent piquant saisissait sa nuque après l’arrêt de la marche et il s’enroula dans son manteau.