Au gré des pages de ce recueil, vous croiserez un chasseur de licorne, une araignée amoureuse, Alfred Jarry sur son lit de mort, les prochaines victimes du Grand Râteau, une jeune femme bien mal assise…
Autant de personnages qui chavirent et chancellent, en proie aux petites et grandes cruautés que la vie leur inflige. Mais ne vous y fiez pas, ceux qui souffrent sont aussi parfois ceux qui frappent.
- ISBN 9782930538044 (format broché)
- 126 pages
- Livre broché - 16.00€
Extrait
La fuite des corps
Outre les consultations qu’il donnait dans une clinique privée, Hubert Laurance réalisait régulièrement des expertises psychiatriques pour le tribunal de Mareuil, gentille préfecture nichée dans une région de moyenne montagne propice à l’élevage des moutons et à la dissimulation des corps.
En ce dimanche après-midi, alors qu’il faisait un saut à la clinique pour récupérer son parapluie, il trouva le dossier Tellier posé sur son bureau. L’affaire avait fait les gros titres des journaux un mois plus tôt et il avait lu d’un regard navré mais distrait les articles consacrés à cette tuerie familiale. Personne n’ayant survécu, il n’avait pas été mandaté : les magistrats ne faisaient pas encore appel à lui pour expertiser la psyché des cadavres.
En première page, un mot de la juge chargée de l’enquête, Corinne Yvernet : « L’instruction est close mais j’ai besoin de ton avis, je ne comprends pas ce qui s’est passé… » Il sourit et, incapable de résister à cette flatteuse sollicitation, s’assit afin de parcourir les documents qu’il avait sous les yeux. Des photos tout d’abord, les Tellier, morts, pris sous tous les angles. Les clichés n’avaient rien de brutal, trois corps vêtus de pyjama reposaient sur un même lit, comme endormis. Aucune trace de violence, pas le plus petit signe de souffrance. Les trois visages, les yeux fermés, étaient sereins. Rien en eux n’évoquait la mort si ce n’est leur lividité presque spectrale. S’ensuivaient de nombreuses prises de vue de la maison, intérieurs et extérieurs, une ferme rénovée aux murs épais et aux grands volets de bois clos.