Les vies ordinaires ont ceci d’extraordinaire qu’à tout moment elles peuvent le devenir.
Comment des personnages ni super-héros ni aventuriers peuvent-ils se retrouver, sans l’avoir prémédité, en train de ne pas oser, taire, mentir, tricher, voire plus ?
Avec une sobriété d’écriture revendiquée, Gilles Dienst raconte les moments qui vont les entrainer là où ils n’auraient pas imaginé aller.
On y rencontre Jérôme et ses cendres, Williams et sa fille, celui qui n’aime pas les barbecues, Vanessa et le chien, Evelyne la charcutière espagnole, Audrey l’amoureuse, et Jean-Luc sous une carcasse de bœuf.
Huit personnages sur la crête de la vague, cet instant très éphémère avant la bascule.
Ça peut parfois mal finir…
- ISBN 9782931080221 (format broché)
- ISBN 9782931080238 (format ePUB)
- 136 pages
- Livre broché - 16€
- ebook - 9.99€
Extrait
Le sens du vent
Être dans le sens du vent : c’est un peu la première chose à laquelle je pense.
La première dans une série de choses qui se sont logiquement enchainées depuis que le médecin m’a annoncé que le cancer avait gagné la partie contre ma mère. Peut-être ai-je besoin à ce moment-là de pensées dérisoires pour tenir l’évidence à une distance acceptable.
Je sais depuis longtemps qu’elle a toujours souhaité que ses cendres soient dispersées au bord de l’océan, mais c’est seulement au moment crucial que je prends conscience de la réalité des choses et des aspects pratiques de l’opération.
Nous sommes au tout début de janvier. C’est la saison idéale pour disperser des cendres. Je n’imagine pas vider une urne funéraire sur une plage en plein été au milieu des baigneurs ou entre deux serviettes-éponges. Mais dans ces premiers jours de l’année, à part quelques promeneurs emmitouflés et des surfeurs pas frileux, la plage est le plus souvent déserte.
L’heure ensuite : il faut choisir un moment de la journée où l’on est quasiment sûr de ne croiser personne et de pouvoir opérer sans être dérangé. Le matin de préférence, quand la lumière rasante est encore immaculée.
Le temps enfin : il faut qu’il y ait un peu de vent, de préférence soufflant vers le large, mais pas trop fort. Une bourrasque violente, et je pourrais me retrouver recouvert des cendres maternelles. Je n’aime pas du tout cette idée de rentrer chez moi en ramenant, collées à mon manteau, des particules de ma mère, même sous forme de poussière.
J’ai le sentiment qu’une dispersion, ça doit se faire, vers l’océan. Ce qu’on appelle prendre le large.
Bref, je me retrouve sur la plage, ce matin-là, avec un léger vent de terre, mon urne en alu brossé sous le bras. Je n’ai pas eu à aller bien loin. Ma maison est juste là, au-dessus, plantée dans le sable. Elle fait partie des quelques maisons construites dans les années 30, sur la partie stable de la dune, à une époque où l’on ne s’embarrassait pas avec l’environnement et où l’on construisait sans scrupule sur la dune littorale. Je l’ai achetée, en assez mauvais état avec mes droits d’auteurs, il y a pas mal d’années. Mes différents romans et une lamentable, mais généreuse, adaptation en série, m’ont permis de refaire la toiture, les terrasses en bois, et d’assurer l’inévitable et interminable entretien d’une maison face à l’océan.
Je n’ai donc pas loin à aller pour cet ultime et intime tête-à-tête filial.