Des nouvelles écrites à hauteur d’hommes et de femmes. Une langue qui coule de source et emporte le lecteur. Douze récits où se mêlent émotion, humour et poésie. Des personnages qui, comme nous tous, ont appris en autodidactes à être parents, enfants, époux ou simplement eux-mêmes. Rien de plus que des êtres humains qui font ce qu’ils peuvent lorsque la vie leur réserve un coup du sort : ils résistent ou ils se cachent ; ils en rient ou ils se battent. Quoi qu’ils fassent, Luc Leens ne les juge pas. Il est de leur côté.
« La vie n’est pas un roman, c’est un recueil de nouvelles l
inattendues, tristes, merveilleuses, déconcertantes. »
(extrait de la préface d’Armel Job)
- ISBN 9782931080207 (format broché)
- ISBN 9782931080214 (format ePUB)
- 134 pages
- Livre broché - 16€
- ebook - 9.99€
Extrait
Bacchus
Dès que je le vois entrer dans le restaurant, j’ai le sentiment de le connaitre. Rien de précis, juste une impression. Il ne paie pas de mine. Taille moyenne, la cinquantaine, une bonne tête, mais des yeux bleus qui photographient tout.
Monsieur Marcel l’accompagne jusqu’à sa table. Monsieur Marcel est notre maitre d’hôtel. Je devrais dire notre maitre. Il voit tout. Il sait tout. Il comprend tout. En particulier, à quel client il a affaire. Le plus stupéfiant est sa capacité à communiquer sans prononcer un mot. Un froncement de sourcils. Un hochement de tête imperceptible. Chacun sait instantanément ce qu’il doit faire. Le client installé, un regard lui suffit pour me demander de le suivre en cuisine.
Nous nous retrouvons autour de Sophie. Notre cheffe. Première étoile en 2007. Deuxième en 2014.
– Je vous passe les détails, explique monsieur Marcel, mais je peux vous assurer que le client de la 12 est un inspecteur. Neuf chances sur dix qu’il soit du Michelin.
– Merci, Marcel, répond Sophie, la gorge un peu nouée. En cuisine, on ne change rien à notre partition. Mais toi, Bacchus, tu as carte blanche.
Bacchus, c’est moi. Bacchus Lenoir. Je suis le sommelier du Sixième sens depuis un an. Bacchus est mon vrai prénom. Mes parents s’étaient mis d’accord sur Étienne, mais quand mon père est allé me déclarer à l’état civil, il m’a fait appeler Bacchus. Son coup était prémédité. Il avait emporté avec lui un bouquin attestant qu’un saint du troisième siècle avait porté ce prénom. Maman ne lui a jamais pardonné. Pour ça, et pour d’autres raisons, elle a fini par demander le divorce trois ans plus tard.
La commande passée, je me présente à la table pour le choix des vins. À la manière dont il examine la carte, je vois bien que c’est un connaisseur. Son œil s’allume quand il découvre un beau millésime. Après quelques questions anodines, il essaie de me piéger sur les vins italiens. J’arrive du Savoia à Milan. Ce n’est pas sur les barolos qu’il va me mettre en difficulté. Finalement, il me rend la carte en me disant : « Surprenez-moi ! », avant d’ajouter avec un sourire : « Mais pas avec l’addition ! »